Plus de pub avec Free, un choix néfaste
J'ai presque envie de dire "ils sont Free, mais ils n'ont rien compris". Jeudi dernier, Free a fait une mise à jour installant un bloqueur de publicité à sa connexion. Le programme est actuellement en bêta-test et il semblerait qu'il s'appuie sur un blocage DNS, censurant ainsi les serveurs publicitaires. Pourquoi pas, des plugins existent comme Adblock qui censurent également la pub? Mais plusieurs problèmes sont survenues.
Tout d'abord, Free l'a activé par défaut, sans rien demander supprimant ainsi plein de pubs sur des millions de sites et la liste de serveurs publicitaires s'étendra sûrement. Il y a une immense différence entre un utilisateur qui va chercher et installer un plugin pour ne plus avoir de pub et le mettre d'office, sans rien demander à personne, sur tous ses clients. Ensuite, on n'a le choix soit de l'activer soit de le désactiver entièrement. On ne peut pas faire d'exceptions pour un simple site ou une régie publicitaire. Les plugins comme Adblock le proposent via une whitelist. En somme, soit on supprime toutes les pubs soit on les accepte tous, point de demi mesures.
Ainsi, nous avons d'un côté une censure contrôlée et surtout voulu par l'internaute et de l'autre, une censure imposée par le fournisseur d'accès, ici Free, que l'on peut simplement désactiver. Tout cela pour dire que ce n'est pas vraiment comparable.
Autres problèmes, c'est un blocage DNS apparemment, ce qui peut être source de dommages collatéraux. On se souvient de cette histoire où les américains, dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie, avait saisit "juste" 10 noms de domaines, rendant inaccessible 84 000 sites qui n'ont rien fait d'illégal. C'est ça le danger de surblocage. En bloquant en masse comme cela, il y a toujours des pauvres innocents qui se sont châtier. Free court ce risque.
Alors, on peut me dire "oui mais les pubs sont bien néfastes aussi. Les supprimer par défaut sont plutôt une bonne chose!". Pardon?! Les publicités nous dérangent peut-être mais de nombreux sites web subsistent grâce à ses revenues publicitaires. Ce n'est pas le cas de mon site mais de bons nombres d'entre eux. J'ai mis un lien vers Numerama, un site d'actualité que je suis beaucoup. Ce dernier marche grâce à la publicité. C'est aussi le cas de Google dont la plupart des revenues est due à la publicité encore une fois. En réalité, presque tout ce qui est gratuit sur Internet ne l'est pas vraiment, c'est juste financé indirectement par la publicité. C'est le même système économique que la télé pour les chaines non payantes (donc pas les chaines câblées et les chaines du groupe France Télévision), celles-ci ne vivent que grâce aux publicités.
La suppression de la publicité, bien que positive pour les utilisateurs, engendrait une perte considérable de sources financières pour les entreprises gérant les sites et les amenant forcément à changer de modèle économique. Et c'est là où le bât blesse. Comment rentabiliser le site pour en vivre? On peut faire comme Wikipédia ou Reflets, des campagnes de dons. Mais comprenez bien que tous les sites ne peuvent se le permettre. Si tous les sites d'informations feraient un appel aux dons, nous n'aurions pas assez d'argent pour donner suffisamment à tout le monde, même si on les regarde tous. On devra choisir nos préférés et cela engendra sûrement la disparition de quelques-uns. Ou bien, autres alternatives, faire payer pour avoir accès à du contenu. C'est ce que font beaucoup de sites de grands journaux. Mais là encore, on n'aura pas assez pour financer tout le monde. Moi, je visite plein de sites d'actualités, je ne pourrais pas me permettre de tous les rémunérer tous les mois pour accéder à l'information, causant ainsi la perte des petites structures. Et puis entre nous, on sait très bien que l'information gratuite, les gens regardent, mais s'il faut payer, la plupart passe leur chemin (sauf, et encore, pour les grosses structures de renom). Il doit y avoir une multitude d'autres plans, mais les principaux et les plus évident sont là.
Il y a donc toute une réalité économique complètement bafouée par les agissements de Free. Nonobstant, il y a bien pire. Outre le mal financier que cela va causer, c'est un coup de canif dans la neutralité du net. La neutralité du net, c'est traiter de la même manière n'importe quel paquet quelque soit le contenu, l'émetteur, le destinateur, le protocole... Or, il s'agit d'une grave atteinte à cette dernière car c'est une censure en fonction des émetteurs, répertoriés comme étant des émetteurs de publicités. Si on lutte pour la non-discrimination sur les réseaux, contre la censure, on ne doit pas l'accepter même si elle s'applique à la publicité qui n'a rien d'illégal. Si on commence à accepter le filtrage pour des choses légales mais gênantes, vive les dérives.
En parlant de dérive, on ignore la blacklist, donc en cas d'erreur de surblocage ou s'il censure par la même occasion d'autres sites, on ne le saura pas. Je me souviens de cette histoire où, en Australie, une blacklist de serveurs soit disant pédopornographiques contenant un site religieux ou des sites sur l'euthanasie...
Et ce qui me gène aussi est la raison de cette censure. La suppression de la pub pour le bien des internautes de Free? Allons, cher lecteur, ne soyons pas naïf. On sait que Free est en guerre avec Google, cela se voit avec la lenteur de YouTube pour les internautes de Free, l'Arcep à même dû s'en mêler. Google est une régie publicitaire avec Adsense et Adwords. Beaucoup de ses revenues viennent de là comme précédemment mentionné. Free s'en prend ainsi encore à Google en bloquant massivement ses publicités. Mais Google ne tombera pas pour autant, par contre, d'autres services, oui. Toujours les petits qui trinquent pour la guerre des grands...
Bref, cette option est, selon moi, néfaste et irresponsable pour le net. On doit laisser à l'internaute l'initiative d'enlever les publicités et surtout le laisser maitre de son filtrage, pas faire du tout ou rien.