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L'humain, cet être social

28 Apr

2016

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Écrit Par  Yann Bidon
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L'humain, cet être social

J’ai récemment posé un problème à mes contacts Facebook. Vous venez de passer un contrôle de Mathématiques. À la fin, une fois les copies rendues, le professeur, dans sa grande mansuétude, vous propose le deal suivant. Il va vous prendre un à un dans le couloir et vous poserez la question suivante: “Voulez-vous que je vous ajoute 2 points ou 6 points?”. Une fois votre réponse donnée, vous partez par l’autre bout du couloir pour partir dans la cour. Vous ne pouvez donc pas prévenir vos camarades de votre réponse. Tout comme, ces derniers ne peuvent l’entendre. Toutefois, il y a un bémol. Si plus de 10% des élèves ont demandés 6 points alors personne ne reçoit de points, sinon, vous recevez les points bonus que vous avez demander. L’ordre est aléatoire, vous passez en premier ou en dernier ou n’importe où entre. Cela n’a pas d’importance dans la mesure où vous êtes incapable de connaître en amont le choix des autres. De même, il n’y a pas de concertation en amont car le prof vous explique ces consignes qu’une fois que vous êtes seule dans le couloir avec lui. Votre tour arrive. Que faites-vous?


Vous pouvez faire le test autour de vous. La plupart des personnes vont vous dire 2. Pourquoi? Tout simplement car si tout le monde pense comme ça, tout le monde a deux et il n’y a pas de chances de ne rien avoir. Stratégiquement, c’est une mauvaise réponse. Les notes scolaires sont là pour établir une échelle de capacité mais c’est une donnée somme toute relative et permet surtout de vous positionner par rapport aux autres. Même si vous avez 9/20 si vous êtes le premier de la classe, malgré votre 9, vous serez toujours le meilleur. Si vous répondez deux, dans le meilleur des cas, tout le monde monte de 2 points. C’est une monté artificielle, elle ne change strictement rien à votre classement. Tout comme, si plus de 10% demandent 6, même en ayant choisit 2, vous n’augmenterez pas et le classement restera le même pour tout le monde. Inversement, si vous prenez 6, si plus de 10% ont pris 6, tout le monde reste pareil, cela revient au même que si vous aviez pris deux. Par contre, s’il y a moins ou exactement 10%, alors vous recevez 6 points. Tous monteront au minimum de 2 points. Donc quoi qu’il arrive, vous avez augmenté de 4 points par rapport au moins 90% des élèves. En réalité, c’est même le seul chemin qui vous augmente votre positionnement et donc qui apporte une réelle augmentation. Stratégiquement parlant, il vaut mieux dire 6, même si on sait que potentiellement les autres peuvent penser pareil et donc on ne bouge pas.


Pourtant, comme susmentionné, la plupart des gens vont dire 2. Pourquoi? Car ils savent que répondre 6 augmente le risque de dépasser 10% et donc de voir impacter tout le groupe. On préfère, inconsciemment s’accorder, même sans forcément se concerter, pour que le groupe monte. Cela sera plus lente que notre progression seul mais au moins toute le monde en bénéficie. En ce sens, instinctivement, on arrive à outrepasser notre égoïsme et donc notre propre intérêt pour un bien collectif. Mais pas universelle, faut que ce soit le bien d’un groupe. La notion de groupe est importante mais j’aborderai cette question plus en détail plus loin. L’important est qu’ici, au sein d’un même groupe, confronter à un même problème, on va tenter de coopérer. Peut-être direz-vous que mon mur Facebook n’est pas à prendre comme une généralité. Et vous avez à juste titre raison. Cependant cette énigme est en lien avec un problème célèbre et hautement étudié nommé “The prisoner’s dilemma”.


Vous et un complice venez de commettre un crime. La police vient de vous arrêter tous les deux mais n’a pas assez de preuves pour tout mettre sur votre deux. Il vous isole chacun d’un côté et vous propose le deal suivant. “Dénoncer votre partenaire, vous serez libre et il prendra 3 ans de prison. S’il vous vous taisez et qu’il vous accuse, ce sera lui qui sortira libre d’ici et vous qui croupissez en prison pendant 3 ans. Taisez-vous tous les deux et on aura quoi qu’il arrive de quoi vous inculper et vous mettre en prison 1 an chacun. Sachez toutefois que si vous vous accusez mutuellement, on saura que vous vous jouez de nous et cela se retournera contre vous. Vous serez tout deux emprisonnés pendant 2 ans chacun.” Que faites-vous? Le cas optimal est évidemment, tout le monde se tait. C’est le choix qui implique de passer le moins d’années en prison. C’est le choix. Mais stratégiquement, encore une fois, ce n’est pas la bonne solution. Si on se tait, de manière objective, on risque de se prendre 3 ans. Là, encore, raisonnons par disjonction des cas. Si je pense que mon partenaire va se taire, si je me tais, je prend un an de prison, mais si je parle, je suis libre. Inversement, si je pense que mon complice va me balancer, si je ne dis rien, je prend 3 ans alors que si je le balance également, je me retrouve avec seulement 2. Dans chacun des cas, on gagne davantage si on parle. Donc stratégiquement, il vaut mieux balancer...Pourtant, de nombreuses études l’ont montré, si des étudiants, des prisonniers, des citoyens lambda, la plupart des gens choisissent de coopérer et de mettre en jeu 3 ans de leur vie en espérant que l’autre fasse de même. Là encore, le complice et moi-même sommes dans le même groupe et confronté au même problème. Et contre notre propre intérêt, on va choisir ce qui est le mieux pour le groupe.


Comment peut-on expliquer un tel comportement? Simple, par la science. Anthropologiquement, l’humain a réussit à donner des espèces beaucoup plus fortes que lui grâce à ses relations humaines. Via cet aspect social, les êtres s’organisent pour chasser et résister aux attaques, ils échangent des connaissances, ce qui leur permet de savoir ce qu’il faut éviter, développe les techniques et les savoir-faire et au final, c’est cette entraide qui nous à si bien servit. Mais les animaux aussi ont des relations entre eux, les meutes de loups par exemple l’illustre bien. Qu’est-ce qui fait que l’humain est allé plus loin que des bandes éparses? Hé bien, l’évolution. Ceux avec la fibre sociale ont plus survécu que ceux qui ne l’avaient pas. Ainsi, de générations en générations, la fibre sociale est très profondément ancré dans notre cerveau. Et vous savez quoi? Ce n’est pas une métaphore. Des études portés sur “The prisonner’s dilemma” ont analysé par imagerie magnétique comment réagissait le cerveau fasse à cette situation. Ce qu’on note est un accroissement de dopamine. L’aire tegmentale ventrale est une partie de notre cerveau. Mais pas n’importe laquelle. Elle fait partie de notre système de récompense / système hédonique. Plus cette partie est stimulée, plus on a du plaisir à faire ce qu’on fait “car on est récompensé”. Or ce qui en ressort est que lorsqu’on choisit de s’entraider, une forte quantité du neurotransmetteurs qu’est la dopamine est émise alors que cette quantité diminue lorsqu’on se la joue solo, même si c’est dans notre intérêt. Notre cerveau nous dit “Ok, tu gagnes plus mais tu as merdé, tu n’as pas supporté le groupe, on a plus de chances de crever maintenant anthropologiquement parlant!” et refuse ainsi de nous récompenser. C’est de cette façon qu’on est littéralement programmer pour être social. On est prêt (dans une certaine mesure) à sacrifier notre bénéfice personnel au bénéfice d’un groupe auquel on appartient.


Cela veut-il dire que les humains s’entraident tous les uns les autres? Non, je pense que les guerres, la lutte des classes et bien d’autres situations plus proches l’ont montré. Pourquoi? Car déjà, ça marche que dans une certaine mesure comme je l’ai dit. Si notre vie est clairement menacée, on aura tendance à fuir en laissant les autres derrières même si on est dans le même groupe. Et surtout, c’est cette notion de groupe qui est importante. C’est une notion extrêmement relative et peut se bâtir sur des éléments très subjectives. Une étude a pris une classe de jeune enfant. Ils discutaient ensemble et ont des groupes de copains. On demande au prof de récompenser plus facilement et dire aux yeux bleus que c’est les meilleurs. Bien qu’anciennement, ils n’étaient pas forcément ensemble, les yeux bleus se sont petit à petit regrouper entre eux, délaissant les autres et dans certains cas, méprisent complètement les autres. Alors que cela est totalement arbitraire et s’entendait très bien avant. Les gens se réunissent par affinité et liens/points communs entre les personnes. Mais quoiqu’il arrive, l’importance d’une “in-group”, personne dans le même groupe, et l’ “out-group”, personne en dehors du group. Lors d’un même groupe, on va énormément s’entraider alors que dans l’ “out-group”, c’est plus tendancieux. Ainsi, si on est trois dans un radeau trois places dont une personne est malade et ne me peut ramer et qu’on voit une personne à la mer en bonne santé. Les chances qu’on abandonne décemment la troisième personne malade pour prendre à la place l’individu sain est très faible. Pourquoi? Car la troisième est dans le groupe alors que l’autre est un étranger. On s’est inconsciemment lié au troisième et même si l’étranger peut nous apporter davantage, on va préférer le garder.


Alors c’est ce qu’on est? Des clans qui défendent ses membres et rien d’autres. Même si on a une versatilité accrue dans les groupes, c’est plutôt … nul. Ce n’est pas si simple. L’aspect social est le plus compliqué lorsqu’on travaille dans la théorie des jeux. Il faut notamment savoir si la personne va avoir besoin d’avoir des interactions humaines directes avec autrui. Je m’explique avec autre problème connu, le “trolley dilemma”. Vous êtes sur un pont où passe deux voies de tramway. Sur l’une d’elle, il y a 5 personnes attachées et sur l’autre, qu’une seule. Sur le pont, vous avez le levier d’orientation qui permet de faire passer le tramway d’une voie à une autre. Et le tramway arrive...que faîtes-vous? Les études ont montré que 90% des sondés vont faire aller le tramway sur la personne seule. Et c’est normal et logique. Une vie contre 5, la pesée est vite faite. Mais voilà la suite, vous êtes sur le même pont, depuis l’accident, il n’y a plus qu’une voie, et mince il y a 5 personnes au loin qui sont encore attachés aux rails. En face de vous, il y a une grosse personne. Si vous la renversez depuis le pont, le chauffeur va le percuter mais du coup, il enclenchera les freins en amont ce qui aura pour conséquence avec la distance de freinage de ne pas tuer les 5 personnes. Là, 90% encore ne pousse pas la personne. En effet, il y a une distance nécessaire pour sacrifier une personne. Le problème est similaire, une vie contre 5. Mais dans le second cas, on ne pousse plus juste une barre mais on interagit avec une autre personne. Dans les deux cas, on donne la mort à une personne mais dans l’un, c’est distant, dans l’autre, c’est proche. Et on ne peut qu’attester que cela compte énormément.


Comment l’expliquer? C’est simple, c’est en réalité une lutte de pouvoir interne. À ma droite, le cortex préfrontal, lieu sacré de la réflexion et de la logique. C’est lui qui dit “5 > 1, tue la personne seule”. À ma gauche, l’amygdale qui est responsable des émotions. C’est elle qui vous dit “Tu ne vas toute de même pas tuer quelqu’un!”. Et c’est à qui nous bombardera le plus d’hormones. Et là dessus, nous ne sommes pas tous égaux. Certaines personnes refuseront de choisir et donc de toucher la barre ou pousser l’homme, ils ont une amygdale développé. À l’inverse, d’autres font preuve d’un rationalisme à toute épreuve et tue sans hésiter si c’est pour le plus grand nombre. Sachez qu’on trouve dans cette catégorie la plupart des tueurs en série, ceux n’apportant peu de crédit à la vie humaine où une amygdale peu puissante.


Quoiqu’il arrive, ces exemples témoignent bien du caractère social de l’homme. Quand il peut se mettre dans le même panier qu’un autre, inconsciemment ou non, un lien va se faire et il va tâcher de faire monter le groupe avant son intérêt personnel. Les relations humaines sont très importantes pour les êtres et conditionnent ainsi nos décisions. C’est une lutte intestine entre notre logique et nos émotions, combat variant selon les individus mais ayant cette constante de solidarité avec son groupe.

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