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Faut-il payer les professeurs au mérite?

14 Sep

2014

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Écrit Par  Yann Bidon
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Faut-il payer les professeurs au mérite?

J'ai lu récemment un article qui prônait un système de prime pour les professeurs en fonction de la réussite de leur élève. L'idée défendue par l'article est simple, au lieu d'augmenter les salaires par l'ancienneté et la formation qui n'auraient selon l'article pas d'impacts significatifs sur la réussite des élèves, il faudrait installer une rémunération incitative. En somme, on fait comme dans toutes entreprises lambdas, on veut motiver ses salariés, on y met un système de prime. S'ils font du bon boulot alors ils sont récompensés d'une prime, sinon, ils resteront avec leurs paies de base. D'après l'étude de l'institut Fraser qui comparent différents pays avec ce système de rémunération à d'autres plus conventionnels, c'est plus efficace et également plus rentable que baisse la taille des classes ou augmenter le financement des établissements. Alors, payer les professeurs au mérite serait-il la panacée dont à besoin notre système scolaire pour remonter son taux de réussite?

C'est beau le capitalisme. Et je suis généralement pour quand il s'agit d'entreprises. Mais voyez-vous, l'école n'est pas une organisation traditionnelle. Le système de prime est efficace, en effet, pour stimuler la motivation des employés. C'est un message clair qui leur dit de travailler davantage ou de manière plus efficiente pour être récompenser. Mais cela est exacte que lorsque cela ne dépend que de son travail, sinon cela est au combien injuste. Lorsqu'un commercial a une commission à chaque vente qu'il conclut, le nombre de vente dépend entièrement de lui. Lorsqu'un ouvrier doit atteindre un objectif de production, le nombre d'objet fabriqué dépend de lui. Mais lorsqu'un professeur donne un cours, les résultats ne dépendent pas uniquement de lui. Bien sûr, il a une part de responsabilité et a un impact significatif. Ainsi, un bon professeur saura intéresser les élèves, vulgariser et rendre accessible son programme à n'importe quel élève. Mais il serait bien ignorant de dire que la réussite d'un élève ne dépend que de cela. Il y a le milieu de travail (tous les établissements n'ont pas forcément les mêmes aménités et matériels), le milieu de vie de l'élève (il a été montré que quand les parents sont investis de manière active dans l'éducation de leurs enfants, les connaissances sont mieux assimilés ou encore, s'il a accès à Internet, des centres culturels comme les bibliothèques et bien d'autres), de l'élève lui-même (s'il n'a pas envie de faire d'efforts, on aura beau tout faire pour l'aider, il n'avancera pas) et puis de la difficulté de l'examen final (on a beau dire qu'ils sont de niveau équivalent, il y a toujours des disparités d'une année sur l'autre). Cela fait beaucoup de facteurs exogènes. Ainsi, rémunérer en partie un enseignant pour des éléments qui ne dépendent pas de lui, c'est plutôt injuste. D'autant que cela va être source d'inégalité. Combien de gens m'ont sorti qu'ils n'aimaient pas les mathématiques simplement car ils ont eu de mauvais professeurs...

En effet, on sait très bien qu'il y a des endroits ou des établissements dits "difficiles" et d'autres dits "élitistes". Il y aura toujours des écoles qui réussiront mieux que d'autres pour divers raisons, notamment la disparité sociale. Ainsi pour un même travail, un professeur d'une école d'excellence sera davantage récompensé qu'un professeur de ZEP, ces Zones d'Éducation Prioritaires car difficiles. Et quid des sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et des classes pour l'inclusion scolaire (CLIS)? Pour ceux qui ne connaissent pas les SEGPA sont des classes pour élèves en difficultés graves et durables et les CLIS sont des classes pour des handicapés. Les professeurs vont naturellement fuir ces établissements pour des établissement plus propices. Alors vous allez me dire qu'on pourrait faire des exceptions pour eux, genre une prime de difficulté. Mais là encore, cela serait injuste car il y a aussi des classes hors ZEP qui sont difficiles.

Le grand flou est également comment va-t-on évaluer les professeurs. Car toutes les classes n'ont pas un examen en fin d'année. Il faudrait instaurer un partiel de fin d'année pour chaque classe. Mais qui va le faire ce sujet de partiel? Cela ne peut décemment pas être le professeur car sinon, il va faire un contrôle simple, les élèves vont réussir haut la main et il récolte la prime. Des collègues de la même profession? C'est une corporation très soudée le corps professorale. Je n'ai guère confiance en des confrères pour faire un sujet objectivement sachant que cela jouera sur la paie de leur collègue. De même, il y aura des disparités entre les établissements. Non, il faudrait un sujet national réalisé par des professeurs externes et neutres du rectorat. Mais quand on voit combien coûte le BAC, pas sûr que l'État accepte pour un examen pour chaque année.

Alors là, vous allez me sortir un argument que j'ai déjà sorti, quand on parle de l'éducation de nos enfants, l'argent ne devrait pas être un critère prédominant. Exact, et je ne le renierai pas. Mais justement, je suis pour qu'on sorte l'argent des réflexions sur l'éducation de nos petites têtes blondes. Ainsi, un professeur qui ferait un cours intéressant uniquement dans un but mercantile... éthiquement cela me chagrine. N'y a-t-il que moi? Je suis d'accord, il faut qu'ils vivent et paient ses frais. Mais je paie déjà à la base pour un cour de qualité, je ne veux pas que la qualité et la réussite soient en supplément. Faire du progrès des élèves une finalité financière, cela me gêne. On parle de l'instruction de nos enfants.

Bref, je pense que vous avez deviné que je suis contre cette proposition avancée par cette étude canadienne. Notre système scolaire va mal et il faut le réformer, je suis d'accord. Mais la rémunération des professeurs au mérite n'est pas une solution selon moi.

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