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Peut-on régler l’inégalité homme-femme en milieu professionnel par le quota ?

07 Jun

2014

Yann Bidon
ÉcritPar  Yann Bidon
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Peut-on régler l’inégalité homme-femme en milieu professionnel par le quota ?

Le 05 juin 2014, j’ai lu un article sur le Global Summit of Woman que l’on va accueillir à Paris. L’article détaillait les actions entreprises par l’État pour réduire l’inégalité homme-femme et notamment la mise en place d’un quota de femme dans le conseil d’administration d’entreprise. On se félicitait grâce à cela d’avoir plus de 30% de femmes aux CA des entreprises du CAC 40.

Pour moi, la politique du quota n’est jamais bonne. C’est un moyen de résoudre les conséquences sans s’attaquer aux causes. Il y avait un problème, il n’y a pas assez de femmes dans les fonctions dirigeantes et bien on les impose par la loi plutôt que chercher la raison de cette absence et des réelles solutions.

Je pourrais faire le parallèle avec les quotas pour la gendarmerie nationale. Ils doivent arrêter tant de personnes donc qu’est-ce qu’on fait ? On s’attaque à la plus petite subdivision, celle qui est la plus nombreuse, c’est-à-dire, les gens banales qui se garent mal, font des excès de vitesse, des jeunes qui consomment un peu d’herbes… C’est des manquements à la loi et il convient certes de les punir. Mais il serait en théorie plus efficace de s’attaquer aux barons de la drogue, démanteler les bandes organisées de malfaiteurs, etc.

J’ai eu l’occasion de discuter dans le cadre de mes fonctions avec des gendarmes et le constat est affligeant. On délaisse les grosses enquêtes car elles sont longues et ne permettent pas de remplir les quotas et on se concentre sur le menu fretin. Attention, je ne dis pas qu’on ne traque plus les tenants du crime, mais c’est refiler à des groupes spécialisés alors que c’est le rôle général de la gendarmerie nationale. On s’attaque ici aux conséquences et non pas à ce qui les a créé. La politique du quota n’est, toujours selon moi, qu’un cache misère. On a la gendarmerie qui dit « Regardez, on a bien travaillé, on a atteint nos objectifs de tant de rappels à l’ordre, d’arrestations et autres » mais ce n’est pas les gens qui comptent. L’important n’est pas la politique du chiffre, mais la qualité de ceux qui y sont.

Ainsi pour conclure cet argument sur le rejet des quotas, je dirai qu’il n’y a pas de quoi se réjouir de voir 30% de femmes dans les conseils d’administration lorsque l’on a justement imposé une parité. Il n’y a aucune gloire. Il aurait mieux fallu s’attaquer à la vision machiste du monde des dirigeants, faire changer les mentalités, montrer que les femmes sont aussi compétentes que les hommes. Et en s’attaquant à cela, si on voit qu’on a atteint 30%, là je me réjouirai, car je me dirai, on a abattu des cloisons, on a ouvert les conseils d’administration aux femmes car elles ont prouvé leur valeur. Et cela m’amène justement aux deuxièmes problèmes relatifs aux quotas.

Un des problèmes des quotas est que cela jette le doute sur la légitimité de la personne concernée. En effet, quand une femme est au conseil d'administration d'une entreprise, on ne dira pas "elle est là pour sa compétence" même si c'est vrai, mais "elle est là pour remplir les quotas". C’est des petits commentaires désobligeants que l’on retrouve en politique où la parité des listes est imposée. On dénonce de nombreuses femmes qui sont présentes non pas pour leurs qualités mais juste parce qu’il faut des femmes dans les listes. Et pour moi, cela est dommage. Sans ces quotas, la question ne se poserait pas. Si elle est là, c’est parce qu’elle compte, elle est compétente et on reconnaîtra sa valeur. Moi, je dis redonnons leur le respect qu’elle mérite.

Alors, vous allez me dire, sans quota, aucune femme ne serait dans les conseils d’administration. Donc mieux vaut, à défaut d’en avoir naturellement, en imposer par la loi. Faux, il faut juste qu’elles montrent leur valeur mais ce n’est pas impossible. Vous allez me dire que cela est difficile. Oui, comme toujours quand on arrive à ce niveau de responsabilité. Mais ce n’est pas impossible. Il y a des exemples de femmes qui ont su s’imposer dans le milieu professionnel.

Prenons Patricia Barbizet comme exemple. Elle commence comme trésorière à Renault Véhicules Industriels puis accède au poste de Directrice Financière de Renault Crédit International. Elle rejoint le groupe Pinault en 1989 en tant que Directrice Financière. En 1992, elle devient Directrice Générale d’Artémis puis en 2004 puis Directrice Générale de la financière Pinault. Je vous laisse regarder le graphique que j’ai fait pour voir à la tête de quel empire elle est. En outre, elle siège aux conseils d’administration de Total, Air France et PSA Peugeot Citroën. Et tout cela bien avant la loi du 27 janvier 2011 imposant la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Preuve que l’on peut réussir sans les quotas.

Pas convaincu ? Vous pensez à une exception, qu’elle est manipulée par les hommes ? Prenons un autre exemple alors, Anne Lauvergeon. Elle est ingénieur du corps des mines dont elle deviendra de 1988 à 1989, adjointe du chef de service au Conseil Général des Mines. En 1984, elle fait un stage au Commissariat à l’énergie atomique où elle étudie les problèmes de sûreté chimique et elle travaillera de 1985 à 1988 à la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement d’Île de France. Elle devient secrétaire générale adjointe de la présidence sous François Mitterrand et devient la représentante personnelle du président, chargée de préparer les sommets internationaux comme le G7, ce qu’on appelle un sherpa. Elle est recrutée en 1997 pour être Directrice Générale adjoint d’Alcatel et rentre au comité exécutif du groupe. Enfin, en sa qualité de chimiste, femme d’affaire et appartenant au corps des mines, Dominique Strauss-Kahn la nomme PDG du groupe Cogema qui deviendra sous sa direction Areva. Depuis elle est administratrice de Vodafone, Total, EADS et vice-présidente du conseil de surveillance du Groupe Safran. La considérez-vous comme un pion des hommes ? Elle qui s’est opposé à l’État, à la cour des comptes, à Thierry Breton qui voulait la limoger, elle qui refusa le poste de ministre des Finances proposé par Nicolas Sarkozy et s’opposa à Henri Proglio, président d’EDF, qui était à l’époque son premier client. C’était une femme de poigne et une excellente femme d’affaire qui avait une vision stratégique à long terme et qui a su se dresser face à des mastodontes pour défendre ce qu’elle croit bon.

Je pourrai en citer d’autres comme Clara Gaymard, mais je ne vais pas m’amuser à faire l’historique de toutes ces femmes qui ont un rôle important dans notre économie. Mon but ici est de montrer qu’avant ces quotas, des femmes avaient déjà accès aux conseils d’administration et à des places de direction. C’était plus dur que pour des hommes, sans doute mais pour moi, le quota n’est pas la solution. Il faut continuer de montrer que les femmes sont aussi compétentes que les hommes voire parfois plus. Il y a des études qui montrent que lorsqu’elles sont responsables des sujets liés à l’alimentation et à l’agriculture, les femmes réussissent systématiquement mieux.

Les femmes ne sont pas moins doués que les hommes, mais les imposer ainsi par la loi est, selon moi, un mauvais remède. C’est un camouflet. Voilà, je voulais réagir sur ce point. Merci pour votre écoute et espère que cela vous fera réfléchir. Ensemble, cherchons plutôt comment peut-on revaloriser la femme dans le milieu professionnel sans pour autant faire de la discrimination positive.

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