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Le redoublement aux mains des tuteurs légaux

21 Nov

2014

Yann Bidon
ÉcritPar  Yann Bidon
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Le redoublement aux mains des tuteurs légaux

Eh oui, encore un article sur l’Éducation Nationale, mais c’est un sujet qui me tient à cœur. Et surtout, je tenais tout particulièrement à réagir face à cette nouvelle bulle de notre ministre de l’Éducation Nationale que l’on peut retrouver sur cet article du Le Parisien.

Ce que souhaite Najat Vallaud Belkacem, c’est de réduire les redoublements jugés inefficaces. En fait, c’est surtout car ils coûtent trop chers. C’est toujours une histoire de gros sous au final… Mais passons. Pour cela, elle veut et va soumettre dès janvier 2015 les redoublements aux desiderata des tuteurs légaux voire de l’élève lui-même s’il est majeur. Je suis naturellement contre cette réponse qui est, pour moi, une énième preuve que notre système est mal adapté et que plutôt que de faire des réformes profondes, on se contente de baisser les exigences.

Notre cursus est découpé en plusieurs années scolaires. À chaque année correspond un programme, c’est-à-dire un ensemble de compétences et connaissances qui doit être vu et assimilé par l’élève. S’appuyant sur les prérequis des années précédentes, les années suivantes montent d’un cran le niveau. Cela permet une difficulté croissante des connaissances et compétences accompagnant l’élève dans son développement et sa progression. On commence par des choses simples qui permettent ensuite d’aborder des choses plus complexes, plus techniques, plus approfondis. C’est ainsi que s’organise idéalement notre scolarité. Idéalement. Car bien que dans la théorie, cela semble nickel, la pratique l’est beaucoup moins. Des enfants rencontrent certaines difficultés et n’arrivent pas en une année à atteindre le quota de savoirs requis. Je ne parle pas ici d’avoir des difficultés dans une matière. On ne redouble pas pour une matière où l’on est très mauvais (sauf en élémentaire, primaire où là il s’agit de savoirs primordiaux comme lire, écrire et compter). Non, ici, je parle de difficulté générale. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela comme l’absence une longue période de l’année à cause d’un accident quelconque ou plus simplement car on a rencontré des difficultés à assimiler les cours ou encore, car on avait d’autres problèmes qui nous hantaient et ont détourné notre attention et le cas, plus problématique où on se fout royalement des cours (excusez-moi la vulgarité). Les savoirs parcourus au long de l’année sont des prérequis pour les années prochaines. Autant des retards dans une ou deux matières peuvent se rattraper, autant s’il y en a trop, la solution est le redoublement.

Le redoublement n’est pas une chose affreuse, infâme et honteuse. Ce n’est pas une punition. C’est une seconde chance offerte, c’est une opportunité. Si on passe à l’année suivante, alors on va avoir beaucoup de retard à récupérer. Cela se traduit généralement par du travail supplémentaire en somme non négligeable dans le but de ne pas être distancé. Cela peut se passer notamment par le suivi de cours de soutien, d’accompagnement scolaire, chose proposée par la ministre. S’il y en a trop, cela va décourager l’élève, lui faire se sentir dépassé (et il risque de l’être vraiment) jusqu’au moment où il va finalement décrocher. Cela arrive notamment en math. Je ne sais pas ce qu’a cette matière que j’adore mais elle a un effet répulsif sur pas mal de gens. En fait, à force d’accumuler les lacunes, les élèves arrêtent de chercher à comprendre. Et quand cela commence, c’est qu’il est trop tard, il y a trop de lacunes, de choses non assimilés et pourtant nécessaires pour ce qui est vu. Le redoublement est justement l’opportunité d’éviter cela. On prend une année pour s’assurer d’avoir les bases solides pour attaquer les années d’après. On perd peut-être une année, mais c’est pour mieux rentabiliser les années à venir. Et personnellement, entre perdre une année mais réussir ses études ou avoir honte et refuser de redoubler pour « subir » une année en plus mais derrière être totalement largué, mon choix est très vite fait. Ce n’est pas une tare. On nait tous égaux, on n’est pas plus bête que d’autres. Eux aussi peuvent faire partis des bons élèves, ils ont juste besoin de plus de temps pour assimiler. Alors offrons-leur.

Je pense que beaucoup seront d’accord avec moi. Mais là n’est pas le point. La question qui se pose ici est de remettre la décision aux élèves ou leurs responsables légaux. Les personnes qui ont raté une partie des cours, ils vont être volontaire pour redoubler mais quid des élèves qui ont des difficultés, des problèmes d’assimilation voire ceux qui ont déjà accumulé trop de retard ? Ce n’est pas aux parents ou à l’élève de se juger. Dans le cas des tuteurs légaux, qui sont-ils pour juger l’assimilation ou non des savoirs nécessaires ? Ce n’est pas eux qui font des batteries de tests (certes subjectifs) pour évaluer le niveau de l’apprenant. Ce n’est pas eux qui savent ce qui est nécessaire et primordial pour les années à venir. C’est le corps professoral ! Et dans le cas de l’élève majeur ou émancipé, il n’a pas toujours le recul nécessaire pour voir ce qui est bon pour lui sur le long terme. Il peut l’avoir et dans ce cas, il n’y a guère de problèmes mais pas toujours. Et il n’est pas non plus expert pour s’autoévaluer, il n’a pas le référentiel et le comparatif qu’a le corps professoral. On ne s’auto-décrète pas suffisamment malade pour ne pas aller au travail, on va voir un médecin, un professionnel pour nous donner un certificat d’arrêt de travail, pour attester que nous sommes bien malade. Dans notre situation, c’est pareil. Ce n’est pas à l’élève de s’autoriser à passer ou non. C’est à l’équipe pédagogique d’attester s’il est apte ou non à passer. Et qu’on se comprenne bien, ils doivent évidemment être consultés et leurs avis pris en compte, cela reste les principaux concernés. Mais la décision ne doit pas leur revenir.

Maintenant, abordons le cas plus problématique des « turbulents », ceux qui se moquent des cours, qui voient cela comme une corvée plutôt qu’un enrichissement personnel et qui donc préfèrent jouer et ne rien faire en classe alors qu’ils ne peuvent pas vraiment se le permettre (à la limite si vous pouvez vous le permettre, ma foi… mais ceux dont je parle non). Bref, les gens moquant de maturité. Eux, on est d’accord, les faire redoubler ne sert strictement à rien. Et pas de peau, c’est ce profil-là qui redouble le plus, d’où la magnifique assertion « le redoublement est inefficace ». Je ne suis pas pour les laisser passer. Pourquoi ? Car ils vont être une source d’ennuis pour les classes du dessus. Avec leur retard accumulé, certains professeurs vont prendre du temps pour leur expliquer, revoir des notions qui devraient être considérées comme acquises. Ainsi, ils vont prendre du temps sur un programme déjà serré et pénaliser ainsi ceux qui ont travaillé. Encore une fois, on taperait sur ceux qui ont travaillé pour accompagner ceux qui ne font sciemment rien. Sauf que si la décision leur revient, eux, dans leur égoïsme, vont vouloir au plus vite en terminer avec les études et vont exiger de passer. Et les élèves studieux devront subir leurs présences.

Alors là, vous allez me trouver dur, n’est-ce pas ? D’aucuns crieront « fasciste », « tu te plains du nivellement par le bas qui leste les bons éléments mais toi, tu plaides pour un système élitiste laissant sur le bord de la route les éléments perturbateurs plutôt que les aider ! Scandaleux ». Alors tout d’abord, je souhaite aider tous ceux qui souhaitent être aidé, que l’on soit bien clair. Les élèves en difficulté, je veux les aider. Mais ceux qui perturbent volontairement le cours, qui se moquent de l’école, etc. Oui, je serai dur avec eux, car la vie est dure. C’est un problème qui dépasse ici de loin le cadre de l’école. Cela peut être un problème d’éducation voire de manque d’éducation de la part des tuteurs légaux, cela peut être le délaissement de l’enfant, son environnement, etc. Nonobstant, l’école a aussi un rôle car c’est aussi un lieu où l’on apprend à vivre en société, avec des camarades. Et pour vivre en société, il y a des règles à respecter comme la politesse, le savoir-vivre, la bienséance. Et il faut faire comprendre à ces élèves qu’il ne faut pas agir comme bon leur semble. Sinon la vie en communauté ne peut pas marcher. Et pour inculquer des règles, comme tout bon enfant, il faut instaurer des sanctions en cas d’infraction. Pourtant on dépouille de plus en plus nos institutions scolaires de moyens de sanction. Dans le public, on ne peut plus virer les élèves. On peut leur mettre des sanctions, des punitions, des heures de colle, mais s’ils ne viennent pas ni ne les font, il se passe quoi ? Quelle menace brandir ? Jusqu’à maintenant, il y avait toujours le redoublement. "Si tu ne bosses pas, tu ne vas avoir ton année et tu vas devoir redoubler". Voilà un élément qui devait les pousser à travailler. Et maintenant, on veut l'enlever. Sur eux, comme je l’ai dit plus haut, je suis d’accord, ça ne sert à rien de les faire redoubler. Et surtout le redoublement ne doit pas être une punition. Mais faut donner des moyens aux établissements de pouvoir cadrer et recadrer les élèves par des moyens de sanctions pour rappeler à l’ordre ses jeunes perturbateurs et leur rappeler qu’il y a un comportement à adopter lorsqu’on vit en société. Ne désarmer pas encore plus les écoles sans contrepartie.

En conclusion, pour moi, il faut conserver le système de redoublement comme il est actuellement. Je veux offrir une nouvelle chance à des jeunes en difficulté mais je veux que cela soit un avis collégial des enseignants qui décident car ce sont, selon moi, les seuls aptes à le faire. En outre, je ne souhaite pas pénaliser les gens sans difficulté. Et donc pour le souci pernicieux des élèves perturbateurs, comme je l’ai dit, il faudrait des reformes. C’est un point qui nécessite de s’y pencher longuement et qui sort du cadre simple de l’école comme susmentionné et que je ne vais donc pas détailler davantage ici. Mais pour rester dans le sujet du présent article, les laisser maître de la décision de redoublement n’est certainement pas la solution.

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Commentaires (2)

  • 1
  • L'ami
    L'ami

    22/11/2014 à 09h06

    Bonjour,
    Belle réflexion en effet.
    Il est vrai que cette mesure n'est pas bonne pour le bien commun.

    Travaillant dans le système éducatif, j'observe cette malheureuse situation : les élèves voulant travailler et apprendre son tirés par le bas par une proportion variable de leurs camarades désintéressés et perturbateurs.

    Une idée, qui a ses limites : serait de séparer les élèves, non plus forcément par niveau (comme avec le redoublement) mais par "attitude". Un bon élève et un "mauvais" (on ne devrais pas utiliser cet adjectif) ne se gênent pas forcément mutuellement. C'est leur attitude (et surtout celle des "cancres") qui est préjudiciable.

    De la sorte, les élèves d'une tranche d'âge, en difficulté, pourraient être aidés par les meilleurs, ce qui permettraient à ces derniers de parfaire leur leçons.
    Quand aux élèves "discriminés" par leur propre comportement, ils seraient poussés à prendre conscience, un jour ou l'autre que leur attitude ne les pousse pas à la réussite, et s'ils font des efforts, le retour à la voie "classique" leur est accessible.

    Voilà l'idée : séparer les jeunes, non pas par "niveau" mais par "attitude" ou plutôt "volonté".

    L'universalité c'est bien, mais dans la vraie vie on est tous différents et une masse homogène n'est presque jamais favorable à un développement quelconque.

    Bonne journée !

    Yann Bidon

    22/11/2014 à 13h20

    Oui, il convient de distinguer ceux qui n'y arrive pas car ils ont des difficultés mais veulent travailler et ceux qui ne veulent rien faire.

    Après, séparer les jeunes par attitude, j'ai peur que cela soit un peu trop subjectif et donc que ça tombe à séparer à la tête. L'idée est bonne, mais son application serait plutôt difficile et pouvant engendrer quelques dérives. Cependant, c'est une piste intéressant qu'on pourrait approfondir. Mettre des garde-fous pour éviter ou limiter ces dérives justement. Oui, merci de votre contribution.