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Daech et les US, piqûre de rappel

03 Jun

2015

Yann Bidon
ÉcritPar  Yann Bidon
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Daech et les US, piqûre de rappel

Grâce à un procès de JudicialWatch aux États Unis, de nombreux documents jusqu'à lors secrets furent déclassifiés. Cela a permis d'avoir accès à un document relativement intéressant et que vous pouvez voir ICI. Ce qu'on note tout d'abord, ce sont les destinataires de ce document, on y trouve la DIA pour Defense Intelligence Agency, la service de renseignement militaire. On y trouve également le commandant de USTRANSCOM qui est le service logistique du département de la défense, la CIA (je pense que je n'ai pas a expliqué ce qu'est cette agence), le département de la sécurité intérieur, le département d'État, le FBI, le commandement des forces spéciales (USSOCOM), la National Geospatial-Intelligence Agency , le secrétaire de la défense (SECDEF), le secrétaire d'État, l'USCENTCOM qui est la branche du Département de la défense qui s'occupe du Moyen-Orient. Ajoutons à cela les entités qui ont été effacées, on a quand même un excellent panel et du coup, je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper que les dirigeants militaires des États Unis étaient au courant de ce document.

Bien, maintenant regardons ce document. Dans sa partie 3, on traite d'une partie passionnante, Al Qaïda et sa branche Irakienne nommé Al Qaïda Irak, soit AQI. Il rappelle que l'AQI connait bien la Syrie vue qu'ils s'y sont entraînés là-bas avant d'attaquer l'Irak. Il précise explicitement que l'AQI soutient idéologiquement et médiatiquement les rebelles syriens pour renverser le régime d'Assad qui s'attaquerait aux sunnites, le courant majoritaire de l'Islam. AQI a notamment fait de nombreuses actions en Syrie sous le nom de Jaish Al Nusra. Mais ce qui est surtout palpitant est la partie 8C. Cette partie alerte tout simplement les destinataires d'un risque si la situation reste en état de voir émerger une principauté salafiste (les salafistes étant des fondamentalistes sunnites) en Irak et du coup, potentiellement en Syrie. Il se trouve que nos beaux pays d'occident, nous avons soit rien fait soit aidé les rebelles syriens. Les US, qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas, sont loin d'être idiot et mal informé et donc leurs prédictions sont souvent justes. L'Histoire ne leur a pas donné tort cette fois-ci et donc ce qui devait arriver arriva. Le Daesh ou ISIS ( Islamic State of Iraq and Syria) comme vous voulez l'appeler est né. Pour la note, c'est quand même triste de voir que ceux qui refusaient d'aider et d'armer Al-Qaïda était la Russie, la Chine et l'Iran.

Et alors? L'ennemi de mon ennemi est mon ami. Vraiment? Car l'ennemi de mon ennemi peut très bien devenir mon ennemi. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Pour renverser le régime syrien, les États Unis ont fermé les yeux voire pire, ont soutenu Al Qaïda en connaissance de cause. Pour éviter qu'on sorte du débat, je ne tiens pas à ce qu'on parle de faut-il ou non renverser Assad, qui est un autre débat. Visiblement, les US ont fait le choix de le renverser. Ok. Mais il y a d'autres alternatives que soutenir que les fondamentalistes religieux, ne pensez-vous pas? Là, c'est vraiment pactiser avec le Diable et il ne faut s'étonner des dérives possibles et notamment qu'ils se retournent contre nous. Et le pire je trouve, c'est que ce n'est pas la première fois que cela arrive. je vous propose une petite piqûre de rappel.

1973, nous sommes en pleine Guerre Froide où s'oppose le bloc communiste et l'occident. Le Prince Mohammed Daoud Khan prend le pouvoir en Afghanistan avec l'aide militaire des soviétiques. Il y a toutefois deux partis communistes en Afghanistan, le Khalq (le Peuple) qui est marxiste radical et le Pacharm (l’Étendard) qui est beaucoup plus modéré. En 1978, Brezhnev, secrétaire générale du parti communiste russe, le convie à Moscou et le somme de réunir les deux mouvements qui créent des frictions, le mouvement communisme doit être uni et calqué sur le communisme russe. Il lui reprocha également la présence d'agents de l'OTAN dans la partie nord de l'Afghanistan. Mohammed Daoud Khan lui rétorqua qu'il était une république souveraine et que ce n'était pas à la Russie de dicter le comportement à adopter. Face à cela, l'URSS finança et aida militairement la formation d'un nouveau parti, le Parti démocratique du peuple de l'Afghanistan (PDPA). Le président est alors assassiné et c'est le PDPA qui prend le pouvoir lors de la révolution de Saur. Toutefois, de part ce parti né d'une fusion, des distorsions internes subsistèrent et s'en suit de longues disputes et des assassinats. Le peuple et une partie du parti réclama qu'on s'éloigna de l'URSS, des revendications religieuses apparurent dans la région. En Iran, quelques mois auparavant, l'État impérial d'Iran fut renversé pour y instaurer une république islamique. Ajoutons également à cela la République Islamiste du Pakistan. Profitant de cette contestation religieuse islamique, le président Jimmy Carter signa un "finding", document autorisant les agences américaines à soutenir la cause des moudjahidine de façon non létale, en fournissant de l'argent, des soins, des relais radios et médiatiques. Voyant cela, l'URSS préféra prévenir avant que la religion ne s'impose trop et envoya dès décembre 1979 leurs troupes envahir l'Afghanistan. Le président Carter signa alors un autre finding avec la létalité autorisée. En d'autres mots, vive la vente d'armes :D . Si si, le CIA vendit des armes aux islamistes partant faire le jihad en Afghanistan. C'est officiel. Il n'y a plus de secrets depuis un moment.

Mais qui sont donc ces moudjahidines? Pour beaucoup, ce sont des islamistes du Pakistan, d'Arabie Saoudite et d'Afghanistan. Et il y a eu tout une organisation autour. Le Pakistan organisa la rébellion avec ses forces de renseignement de l'ISI (Inter-Service Intelligence). L'Arabie Saoudite voulait faire de l'Islam et notamment sa branche, le wahhabisme, une doctrine avec suffisamment de poids pour balayer Marx et son communisme et soutint également la rébellion. Le prince Turki Al Fayçal était chef des services secrets de l'Arabie saoudite et fils de l'ancien roi saoudien Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud. Celui approcha alors un certain Oussama Ben Laden, millionnaire issu d'une riche famille travaillant dans le BTP et le chargea de s'occuper des départs des volontaires pour faire le jihad en Afghanistan et de les amener en Pakistan pour les former. Oussama Ben Laden accepta mais y découvrit un système très désorganisé et amateur. Il prit alors les choses en main et mis en place une réelle structure et organisation. Il s'occupa du transport des gens, de leurs formations militaires et idéologiques et l'approvisionnement en armes via la CIA. À la mort de son ami, Abdallah Youcef Azzam, il se trouva finalement à la tête d'une des plus grosses armées islamiques qu'il avait su professionnaliser.

Et autant dire que les US ont mis le budget pour financer les opérations de Ben Laden. Charles Wilson était sénateur américain très proche de la CIA et nommé à la commission de défense, vit qu'en 1980, les afghans quittèrent de plus en plus leurs pays, preuve d'une défaite de leur part, n'ayant pu éradiquer la menace communiste, il demanda et obtint le doublement des sommes affectées pour l'Afghanistan. En 83, il ajouta 40 millions de plus avec notamment 17 millions de dollars destinés spécialement à l'achat d'armes antiaériennes. En 84, c'est 50 millions de plus qu'il fit injecté. Il fut l'un des plus grands contributeurs du programme afghan. Ils armèrent comme des fous les islamistes. Ils pensaient qu'il allait se faire écraser par l'URSS mais que cela l'aurait considérablement affaiblit. Mais il n'en fut rien. En 1989, l'URSS annonce se retirer d'Afghanistan. Les financements du groupe par les américains et l'Arabie Saoudite cessèrent vu qu'ils avaient eu ce qu'ils voulaient. Toutefois, Ben Laden conserva son armée de fidèles et continuèrent leur prosélytisme religieux et cela fonda le groupe d'Al Qaïda qui deviendra un des plus grands ennemis des États-Unis alors qu'ils furent formés et armés par eux.

Je précise quand même, je tape sur les US mais en Europe, on n'a pas été plus probe, non plus. Mais du coup, c'est relativement étonnant de voir l'erreur se répéter. En voulant faire tomber Assad pour une contestation religieuse, ils ont formé un état islamique qui massacre tout objet historique. Et surtout, cela m'énerve les gens qui tombent des nues, genre les américains sont des anges, ils n'auraient jamais fait ça. Ils font toujours comme ça, les gens. Je ne dis pas ça car je suis anti-américain, mais la géopolitique, c'est ça. C'est horrible mais c'est ça, on n'est pas dans un monde de bisounours et lorsqu'il faut défendre ses intérêts, faut se salir les mains.

Bon, je ne vais pas m'étendre plus, la news est déjà assez longue. Juste une dernière et courte comparaison historique. Lorsque Hitler entraîna une armée en Russie et qu'on le savait, on n'a rien fait. Lorsqu'il attaqua la Pologne, on n'a rien fait. Lorsque l'expansion nazi se mit en marche, on battit un mur qui fut finalement contourné. Comme disait Churchill: "Entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisit le déshonneur mais vous aurez quand même la guerre". Ne restons pas de marbre à ne rien faire en attendant que l'ennemi frappe à notre porte. Qu'attend donc la communauté internationale pour bouger?

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Commentaires (1)

  • 1
  • Mehdi
    Mehdi

    17/10/2015 à 18h18

    Billet intéressant. Une petite coquille dans la dernière citation de Churchill : il faut remplacer par "vous avez choisi* " au lieu de "choisit".