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La taxation du CDD

16 Apr

2016

Yann Bidon
ÉcritPar  Yann Bidon
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La taxation du CDD

Les jeunes sont dans la rue, l’Élysée tremble. Pour étouffer le mouvement de révolte, le gouvernement sort de son chapeau tout un tas de réformes pour la bagatelle de 400 à 500 millions d’euros. Les dirigeants de l’UNEF sont contents et peuvent se targuer d’avoir fait plier un gouvernement et s’imaginer grands révolutionnaires défendant le jeune peuple opprimé. Mais est-ce vraiment ce qu’ils ont fait ? J’en suis beaucoup plus perplexe et je tiens en exemple une mesure que j’abhorre et que je ne comprends pas, la taxation du CDD.

Le CDD, une abominable exception ?


En droit du travail, le contrat de base est le contrat à durée indéterminée. Toutefois, prétendre pouvoir régir un domaine aussi vaste que le monde du travail par un contrat unique est plutôt outrecuidant tant l’hétérogénéité des corps de métiers est étendu. Un gérant de station de ski n’a pas les mêmes besoins qu’un industriel ou une entreprise prestataires de services. Que faire lorsque j’ai une absence longue durée pour maladie ? Je ne vais pas embaucher une personne à durée indéterminée alors même que je sais que je n’aurai pas les moyens financiers de le garder au retour du malade. Sous quel régime je place les intermittents du spectacle qui sont là essentiellement pour des saisons/représentations et qu’une fois la tournée finie, ça s’arrête ? Indéterminée également ?

Cela pourrait être tout à fait possible si, suite à des années de batailles sociales, on n’avait pas autant verrouillé le CDI, très en faveur du salarié quoiqu’on en dise, et qu’on n’avait pas rendu si difficile le licenciement des personnes. Car aujourd’hui, lorsqu’on est en CDI, il est très compliqué pour un employeur de se défaire de son employé si ce dernier ne le souhaite pas. Et c’est très bien, c’est ce qui fait du CDI un contrat très stable et qui permet d’assurer une situation pérenne redonnant le sourire à nos banquiers lorsqu’on va quémander un prêt.

Oui mais là, comme expliqué précédemment, il y a des domaines où l’on a vraiment besoin de flexibilité et pas juste car ça arrange le patron. Non, c’est comme ça, il y a un besoin de ressources pour un temps fixe sans pouvoir s’engager pour une durée indéterminée. Ainsi, on a fait des exceptions. Des contrats qu’on a labellisé « précaire » car ils n’ont pas le même confort qu’un sacro-saint CDI. Le CDD n’est pas une abomination. Si on l’a créé, ce n’est pas car un jour, un politique s’est dit « aller, j’ai envie de faire un contrat plus défavorable ». Non, c’est qu’il y a un besoin.

En outre, c’est un excellent moyen de mettre le pied dans une entreprise. Beaucoup de personnes aujourd’hui ont commencé dans leurs entreprises en CDD et se retrouvet désormais en CDI à la fin de celui-ci. C’est un excellent vecteur d’intégration au sein du tissu professionnel. L’employeur peut juger de l’efficacité du salarié, de son intégration au sein de l’équipe et de vérifier qu’il correspond à ses besoins. Si c’est bon, alors on l’engage in fine en CDI. Mais voilà, pourquoi ne pas directement le prendre en CDI si le CDD ne joue que comme une période d’essai ? Là encore, ça diffère des besoins. Si j’ai un congé longue maladie de 3 ans, je ne peux pas mettre une période d’essai de trois ans. Mais surtout, c’est souvent des raisons conjoncturelles. À la date T, l’entreprise ne peut pas s’engager dans la durée par manque de projection dans l’avenir. Sauf que peut-être qu’à la fin du contrat, les affaires vont bien et du coup, cette dernière peut se permettre de faire grossir sa masse salariale dans une perspective à long terme.

Une mesure inefficace et injuste


Quel est le problème à l’origine de cette mesure ? C’est celui du chômage des jeunes et de la précarisation de l’emploi de ces derniers. Ceux-ci se plaignent de ne pas trouver d’emploi ou d’avoir une situation instable ne permettant pas d’établir une vision à long terme. Et c’est un vrai problème en effet. Mais est-ce que la mesure énoncée va pallier ce problème ? Ce que propose le gouvernement, c’est d’augmenter la taxation de la cotisation chômage sur les CDD. Dans la logique, ça doit pousser les employeurs à privilégier le CDI et ceux qui insistent pour prendre un CDD payera pour les jeunes qui sont au chômage. Hey, vu comme ça, c’est pas mal. Mais si on rentre plus en profondeur, c’est très con. Je pense que tous chefs d’entreprises aimeraient embaucher plein de personnes et leur donner plein de sous. Mais il y a une réalité économique. Les patrons ne prennent pas des CDD par plaisir, c’est car ils ne peuvent pas pour diverses raisons le prendre en CDI. Évidemment, il y aura toujours des gens pour abuser du système et user abondamment du CDD plutôt que prendre un CDI, tout comme il y en a qui abusent des prestations sociales, pas pour autant qu’elles sont foncièrement mauvaises. Dans la plupart des cas, c’est qu’ils ne peuvent se permettre dans les moyens et la stratégie de l’entreprise d’avoir un CDI. Voilà pourquoi ils prennent des CDD. Car ils ne peuvent en CDI… Donc ce n’est pas en rendant le CDD encore plus défavorable que cela va rendre le CDI plus attractif. Cela reviendra à dire que pour augmenter le nombre de mariage, on va rendre encore plus défavorable le PACS. Si les gens choisissent le PACS, c’est qu’ils ne sont sciemment pas prêts pour le mariage. C’est absurde. On veut réduire le chômage mais on va taxer ce qui représente aujourd’hui 85% des embauches en France en 2015. Trouvez-vous cela cohérent ?

Rendre le CDD moyen attractif, ce n’est pas renforcer le CDI mais amener d’autres moyens de précarité. Car les entreprises s’adaptent, elles sont très fortes pour ça. Plus de CDD, on a l’intérim. Mais cela coute cher aux entreprises. Enchaîner les faux CDI où l’on casserait toujours la période d’essai ou mieux faire un CDD avec un salaire plus faible pour compenser cette taxe infligeant ainsi une double peine à l’employé. Mais surtout l’alternative le plus pénalisante, ça serait qu’elle n’embauche pas et demande encore plus à ses salariés. Et c’est ce qui risque d’arriver. On a fait un contrat contraignant et avantageux nommé CDI mais ça ne satisfaisait pas tous les besoins, donc on en a fait un plus flexible mais maintenant, on va l’endurcir…c’est stupide !

En France, on a un problème de coût du travail. Si vous vous plaignez de toucher peu, sachez que votre employeur vous paie en moyenne le double… sauf que cette moitié dont vous ne voyez pas la couleur part en charges, en impôts, en taxes. Et après, on se surprend de ne pas proposer des coûts attractifs. C’est pour ça qu’on vend très bien dans les produits et domaines à forte valeur ajoutée comme les nouvelles technologies ou la médecine mais qu’on perd toute notre industrie. Mais sachant cela, on continue d’augmenter les taxes. C’est quand même un cercle vicieux. On prend de l’argent aux entreprises pour payer ceux qui ne travaillent pas. Comme on prend plein d’argents aux entreprises, elles ne peuvent embaucher donc il y a plus de gens qui ne travaillent pas et que fait-on ? On décide d’augmenter les taxes pour pouvoir payer ceux qui ne travaillent pas. Non, juste, non. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Vous étouffez juste plus les entreprises en agissant de la sorte. Donnez-leur un peu d’air. « Mais Yann, l’État n’arrête pas de leur donner des aides, de l’air, on leur en donne ». Les entreprises ne veulent pas de l’argent ponctuel de l’État, elle veut un carnet de commande plein et pour ça, faut être compétitif et ne pas taxer à tout va, bon sang ! Car au final, qui est-ce que ça va sanctionner, encore et toujours ? C’est les petites PME qui ne pourront absorber cette hausse.

J’ai dit injuste. Pourquoi injuste ? Car cette taxe dont le montant va être discuté par les partenaires sociaux (comprendre les syndicats salariales et patronales) va porter sur la cotisation chômage du régime général. Mais quid de ceux qui ne sont pas à l’UNEDIC comme, je ne sais pas moi…le public qui ne payent ni cotisations de chômage au régime général ni prime de précarité, mais prennent seulement en charge les indemnités de chômage au titre de l’auto-assurance des employeurs publics ? Encore une fois, on s’amuse à taper sur le privé et notamment les petites structures sans toucher les sujets de sa majesté.

Ah ça pour critiquer, tu es fort mais que proposes-tu, hein ?


Comme déjà avancé, je suis à titre personnel pour une grande refonte du fonctionnement de nos charges. Pour moi, on ne doit pas taxer le travail mais la consommation. En n’étouffant pas les entreprises par des taxes, elles peuvent embaucher ou augmenter les salaires sans dépenser plus, il n’y a juste plus d’effet d’éviction. De cela, les gens ont un pouvoir d’achat accru et peuvent donc consommer. De là, on récupère nos ouailles via la TVA et taxes diverses (notamment sur les produits étrangers, histoire de favoriser le commerce local). Mais on va me dire que c’est utopique, xénophobe, anti-européen, que ça ne marche pas comme ça, bla bla bla. Donc sans être aussi drastique et rester dans les mesurettes dont sont friands les politiques actuels, plutôt que taxer la CDD dans la continuité comme c’est proposé actuellement, je m’attaquerai plutôt à la prime de précarité. Aujourd’hui, en fin de CDD, soit on le termine et on paie une prime soit on le transforme en CDI et il n’y a pas de prime. On pourrait augmenter drastiquement cette prime pour inciter les entreprises à se tourner vers le CDI. Mais voilà, cela pénaliserait encore le CDD alors que la plupart sont justifiés. Plutôt que d’augmenter drastiquement la prime de précarité, je mettrai plutôt une aide (via des déductions d’impôts par exemple) lorsqu’on transforme un CDD en CDI. De cette façon, on ne pénalise pas le CDD et on encourage le passage au CDI en fin de CDD.

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