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Nos convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ?

18 Jun

2016

Yann Bidon
ÉcritPar  Yann Bidon
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Nos convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ?

Comme il est coutume, ce mois de juin a vu se dérouler la traditionnelle épreuve de philosophie qui inaugure le baccalauréat. Cette année, les sujets sont plutôt intéressants et je vais tâcher d’apporter ma petite contribution à ces réflexions. Toutefois, je vais par là exprimer ma pensée qui m’est propre et non pas citer de grands auteurs. En ce sens, il ne respecte pas le formalisme d’une dissertation de Bac mais je trouve que c’est sans valeur de réciter bêtement la pensée d’autrui et qu’il vaut mieux mettre en exergue la capacité de mener une réflexion personnelle sur une interrogation philosophique.


Le sujet qui a attiré mon attention cette année est “Nos convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ?”. C’est une question relativement intéressante car, avec notre personnalité, nos convictions et notre histoire font parties intégrantes de notre être mais ces parties seraient-elles vraiment indépendantes et propres ou reposeraient-elles tout simplement sur tous ce qu’on a vécu jusqu’à lors, ce qu’on appelle notre expérience. Je pencherais plutôt sur la théorie empirique à titre personnel.


Tout d’abord, intéressons-nous aux convictions morales. Les convictions sont des prises de position sur une situation donnée. C’est ce qui nous permet de nous structurer et nous positionner en tant qu’être et nous permet de construire notre unicité. Si j’ai la conviction que l’école est beaucoup plus laxiste que par le passé et que cela joue ainsi sur l’avenir de notre nation car en nivelant par le bas, on a une baisse de connaissances des jeunes diplômés. C’est une position, certains en ont une autre. Et les deux peuvent s’affronter car chacun a ses arguments. C’est d’ailleurs en cela que les convictions se distinguent de la croyance. Cette dernière n’a pas preuves à proprement parlé là où la conviction est plus un cheminement de pensées et de notre sensibilité. La morale de son côté est l’ensemble des us et coutumes d’un groupe. C’est les moeurs, l’éthique, c’est ce qui définit ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas, de ce qui est juste, de ce qui ne l’est pas. Faire travailler des enfants est totalement inacceptable moralement dans notre culture occidentale alors que dans d’autres cultures et pays, c’est considéré comme normal. Tuer volontairement quelqu’un est considéré comme un meurtre et est intolérable dans bon nombre de sociétés, pourtant certaines croyances poussent aux meurtres, d’autres aux sacrifices. Ainsi, par définition, la morale est relative à un groupe, une société. On peut considérer notre morale comme LA morale, celles qui seraient supérieures aux autres et considérer les autres comme rétrogrades. On aime considérer que ce qui est nôtre est le meilleur. Mais foncièrement ce n’est qu’une structure d’une société. Et à l’instar de la société, la morale bouge et évolue également, ce qui prouve qu’il n’existe pas de morale absolue et universelle.


Par conséquent, les convictions morales seraient des prises de positions sur des valeurs d’une société. En cas de disputes, vous parait-il normal de vous battre avec la personne en face? Sûrement que non. Pourtant à une époque, lorsqu’on portait atteinte à l’honneur d’une personne, il était normal de la défier en duel. Depuis la moralité a bougé comme on peut le voir mais peut-on objectivement dire qu’elle a évolué? Sans même partir dans le passé, aujourd’hui, dans certains pays, on coupe la main des voleurs, est-ce excessif ou dissuasif? D’aucun vont dire que c’est inhumain et qu’on ne vaut pas mieux que le voleur, d’autres, au contraire, trouveront que ça lui servira de leçon et cela montrera l’exemple à qui veut faire de même et l’en dissuadera. Au final, ce n’est qu’un curseur que l’on positionne entre ce qui est acceptable et détestable mais est entièrement relative à nous.


La grande question est: comment fait-on, nous, pour positionner ce curseur? Sur quoi se base-t-on? Quels en sont les critères? L’humain vit en société. Il est donc confronté à la moralité du groupe qu’on lui transmet via l’apprentissage (notamment des parents et des écoles) et l’environnement (relations, opportunités, cadre de vie…). Cette expérience, notre passé nous forge. Soit on accepte le mouvement et le rejoint, soit on s’y oppose ou se rebelle mais c’est uniquement via cette confrontation qu’on peut se décider. De facto, c’est par celle-ci que découle notre conviction.


Nonobstant, est-ce vraiment tout? On vient de montrer que l’expérience rentre en compte dans nos convictions morales et ce de manière indubitable. Mais est-ce uniquement ce qui rentre en compte? Car si tel était le cas, si une autre personne aurait vécu les mêmes choses, le même passé, aurait-elle pris la même décision et le même chemin? En un sens, cela signifierait que notre vie est déterminé par notre expérience. Quel fatalisme cela serait, ne trouvez-vous pas? Force est de constater qu’une personne ne réagit pas forcément de la même manière. Par exemple, lorsque l’on blesse une personne, celle-ci peut être en colère ou bien triste ou encore indifférente ou une mélange de cela et dans des proportions différentes. Ainsi, face à la moralité qu’on nous enseigne, on va soit l’accepter soit la rejeter. Ces variations seraient-elles dues qu’à notre expérience? En partie, oui mais on a tous intrinsèquement une certaine sensibilité et une certaine tolérance. Ceci est relié à notre personnalité. Les gens plutôt fougueux se laisseront plus facilement aller vers la colère là où des gens plus posés seront plus tristes. Ce tempérament ne vient pas juste de l’expérience tant les bébés montrent dès leur plus jeune âge des comportements différents. Certains vont gigoter ou ramper de partout et seront très énergique là où d’autres sont plus comme Droopy. Pourtant leur expérience est infime. Cela ne peut s’expliquer que par le fait que la personnalité ne dépend pas de l’expérience, de son vécu passé. Elle nous serait donc innée. De là, à savoir si elle viendrait d’une “chose” transcendant notre enveloppe charnelle (l’âme ou l’esprit) ou une configuration initiale hormonale ou un agencement cérébrale particulier, c’est un tout autre débat que celui qui nous intéresse aujourd’hui. Car ce n’est pas l’origine de cette différence qui nous intéresse mais l'existence même de cette différence qui nous interpelle et qui laisse entendre que bien que grandement et de loin majoritairement contrôlé par notre passé, nos convictions morales ne seraient pas juste la résultante de notre expérience consciente ou inconsciente mais aussi d’une situation initiale qui met en nous un tempérament qui bien que pouvant varier selon notre vécu reste une caractéristique innée de l’être.


En résumé, notre personnalité influe sur nos convictions morales car à expérience égale, selon notre sensibilité, nous n’agirons pas de la même façon. Toutefois, l’expérience pèse énormément sur la constitution de nos convictions ainsi que sur la perte de ces dernières. Pour autant, on ne peut pas la qualifier de seul et unique constituante. On ne peut donc pas non plus parler d’elle comme seule fondation de nos convictions.

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