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Qu'est-ce que l'infini?

25 Dec

2016

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Écrit Par  Yann Bidon
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Qu'est-ce que l'infini?

Il est 23h à l'heure où je commence à écrire ces lignes, nous sommes le 24 décembre 2016 et voilà que je ne trouve rien de mieux que de débuter un article sur un des sujets qui n'est pas forcément le plus complexe mais un des plus abstraits des mathématiques : l'infini. Vaste sujet que voici, ainsi, comprenez bien qu'un seul article ne me suffira pas pour couvrir le système. C'est un sujet également passionnant car à l'instar des voyages dans le temps, cela reste totalement conceptuelle à ce jour et amène son lot de paradoxe en tout genre. C'est une intense réflexion philosophique et mathématique. Mais pour le moment, commençons tout en douceur avec une définition de l'infini. Qu'est-ce que l'infini?

On va commencer si vous le souhaitez bien par l'antagoniste et donc le "fini". On dit qu'un ensemble est fini lorsqu'il est possible de compter les éléments de cet ensemble sans omission ni répétition et ainsi d'en déduire ce qu'on appelle sa cardinalité, c'est-à-dire le taille de cet ensemble, et que ce dernier soit un nombre entier. Par exemple, les chiffres sont dénombrables. Ils ont une cardinalité de 10, c'est l'ensemble {0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9}. Je suis capable de les compter et d'en sortir un nombre entier (ici, 10). Le nombre d'humain sur Terre à cet instant précis est un ensemble fini. Cela va me prendre un temps énorme à tous les recenser mais j'en ai la capacité. Le nombre de graine de sable sur cette planète est un ensemble fini. Il sera très loin et impossible en une seule vie, seule, de tous les compter un à un (et qu'est-ce que cela serait chiant) mais cela reste dans le domaine du possible. Je peux tous les répertorier, un à un et les indexer avec un nombre entier croissant. J'arrivera alors à une fin.

Avant d'attaquer le cœur du sujet, j'aimera aborder un autre point : la bijection. Lorsque deux ensembles ont une cardinalité identique, alors nous sommes capable de faire une bijection. C'est-à-dire qu'on est capable de coupler deux à deux chaque élément d'un ensemble alors un élément de l'autre ensemble et n'obtenir aucun reste ni aucun manque. Je m'explique. Imaginez que vous avez un ensemble de chaises et un ensemble de personnes. Il y a bijection si vous êtes capable de mettre chaque personne sur une chaise et qu'à la fin, il n'y a ni chaise vide ni personne debout. A chaque chaise, vous êtes arrivé à faire correspondre une personne. Si vous êtes capable de faire une bijection alors veut dire que les deux ensembles ont la même cardinalité. Si je prends un autre exemple plus mathématique alors imaginons l'ensemble {1,2,3} et l'ensemble {2,4,6}, je suis capable de lier un à un les éléments et c'est normal car vous notez que j'ai juste multiplié par 2. Cette opération de multiplier par 2 est bijective car elle touche en rien la cardinalité de l'ensemble. Gardez ça dans un coin de votre tête ;) .

Bien, c'est bien beau tout ça, mais le sujet est l'infini et non le fini. Alors qu'est-ce que l'infini? Je t'écoute Billie: "Hé bien, si je garde en tête tous ce que tu as dit précédemment, c'est quelque chose qu'on ne peut pas compter". Arf, ce n'est pas si simple Billie. Car vois-tu, il y a plusieurs types d'infini. En réalité, il y a même une infinité d'infinis. Et tous ne se valent pas. Parmi cette infinité d'infinis, il y a un ensemble qui est celui des infinis dénombrables, c'est-à-dire des infinis qu'on peut compter. En effet, j'ai bien fait la précision plus haut, pour qu'un ensemble soit fini, il faut qu'on puise lister sans omission ni répétition les éléments via un index de nombre entier et arriver à une cardinalité entière. Le point crucial est cette dernière partie. Car il y a des ensembles que je peux indexer. C'est le cas notamment de l'ensemble des entiers naturels. On est d'accord que cet ensemble est infini. Pour tous nombres de cet ensemble, je suis toujours capable d'en trouver un autre en ajoutant 1 et ce, continuellement. Pourtant, je suis capable de les compter. Chaque nombre de cet ensemble correspond à un numéro, un index qui équivaut lui-même +1 (à cause du 0 qui occupe la première position). Si on me demande où se trouve un gogol ([math]10^{100}[/math]), je lui dirai en gogol+1 position. Je suis capable de les compter, simplement, il a une cardinalité [math]\infty[/math](symbole de l'infini). Et là, vous allez me dire, c'est assez intuitif, le cas des entiers naturels est assez simple. Et c'est vrai mais sachez par exemple que l'ensemble des rationnels positifs est dénombrable. L'image ci-dessous montre qu'il est possible d'ordonner et donc compter l'ensemble infini des fractions positives:
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"Ok, ok, laisse-moi retenter alors. Un ensemble est dit infini si sa cardinalité est l'infini". Ma remarque de tout à l'heure visait à souligner l'existence d'ensemble infini dénombrable (et donc avec une cardinalité infini). Cependant, tous ne le sont pas, ainsi, je ne peux accepter cette définition réductrice, Billie, désolé. Regarde, l'ensemble des réels ne peut être compté. Tu commences par 0 puis ensuite quoi? 0.000001? Mais tu as 0.0000001 avant voire même 0.00000...1. Mes honorés lecteurs, vous allez me rétorquer que cet argument ne suffit pas à monter qu'on ne peut les compter. Peut-être en effet existerait-il une méthode spéciale à l'instar de ce qu'on a fait avec les rationnels. Très juste, hélas, il a été démontré par Cantor en 1891 qu'on ne pouvait les dénombres via l'argument de la diagonale. Puisqu'on ne peut les dénombrer, prenons des nombres infinis au hazard. En partant du premier élément, je trace une diagonale. Je tombe alors sur un chiffre à chaque ligne. Je vais alors reconstituer un nombre en incrémentant de un chaque chiffre et en passant le 9 à 0. Ce nombre sera forcément nouveau car il différera forcément d'un chiffre par rapport à un nombre précédent. Rien ne vaut une image:
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Vous allez me rétorquer "mais du coup, on peut les indexer". Bah non car pour déterminer le nombre, on a besoin de la diagonale en entière et donc de la liste déjà formée. Ce qui est impossible car infini donc conceptuellement, on sait qu'ils sont infinis mais on sait qu'on ne peut les compter.

"Bon ok, l'infini, c'est la taille d'un ensemble dont la cardinalité n'existe pas ou n'est pas entière. Ca te va mieux?" Il y a du mieux. Vraiment. Mais j'aimerai qu'on insiste davantage sur le fait que l'infini n'est pas un nombre. C'est un concept, comme Dieu, la Destinée, l'origine de tout. Cela permet de traiter un sujet difficilement matérialisable, palpable et au final, dont on ne sait pas grand chose. C'est un label, une étiquette qu'on met pour désigner une caractéristique, ce n'est pas quelque chose de figer. Si je prends un ensemble infini, alors si j'ajoute un élément, j'aurai toujours un ensemble infini, ça veut dire que [math]\infty + 1 = \infty[/math]. Ca n'a pas de sens mathématiquement parlant. L'infini n'est pas un nombre, on n'additionne pas des choses à l'infini. Mais sortons des nombres pour un exemple plus concret. Connaissez-vous l'hôtel de Hilbert? C'est un hôtel imaginaire qui a la particularité d'avoir une infinité de chambres. Imaginons que cette infinité de chambre soit occupé par une infinité de client. Vous vous présentez à l'accueil, pourrons-t-il vous accueillir? Oui. Car contrairement à un ensemble fini, on a ici une infinité de chambre et ce, même en présence d'une infinité de client. On va simplement faire une translation. On va demander à chacun des occupants d'aller dans la chambre dont le numéro est augmenté de 1 par rapport à la sienne. Donc le 1 ira dans le 2, le 2 dans le 3 et ce infiniment. Il y aura forcément une chambre avec le numéro d'après car c'est infini. Il ne vous reste plus qu'à occuper la chambre 1 désormais désertée.

Cela peut même aller à l'encontre de notre intuition. Prenez l'ensemble des entiers naturels {0, 1, 2, 3, ...} et l'ensemble {0, 2, 4, 6, ...}. Intuitivement, on dirait que le premier contient plus d'éléments que l'autre. Mais avec l'infini, ce n'est pas vrai. Ca ne change rien, cela reste l'infini. Et pour le prouver, je vais faire appel à la parenthèse de tout à l'heure, la bijection. Ici, j'ai de nouveau pris l'ensemble du double des entiers naturels. J'ai juste multiplié infiniment par 2. Donc je suis capable de les coupler un à un et donc de faire une bijection. De ce fait, ils font la même taille. Donc [math]2 \times \infty = \infty[/math]. Ils sont de même taille alors qu'intuitivement, on dirait que le premier en à plus. Si on reprend l'exemple de l'Hôtel de Hilbert, imaginons que cette fois, une nouvelle infinité de client se présente aux guichets, peut-on les accueillir? Oui, encore une fois, une simple translation suffit. On demande aux clients de prendre la chambre dont le numéro est le double du leur. Vous venez de libérer une infinité de chambres pour accueillir votre infinité de client.

De là, il faut juste retenir une chose. L'infini n'est pas un nombre, on ne fait pas d'opération dessus. C'est un concept. "Je vois. Mais dans ce cas, que voulais-tu dire tout à l'heure quand tu as dis que tous les infinis ne se valent pas? Car si les opérations ne changent rien à la nature de l'infini, qu'est-ce qui les distinguerait?" Certains infinis sont plus petits ou plus grand que d'autres. Mais cela sera l'occasion d'en parler dans un article Billie. Il se fait tard et je vais y aller. Bonne nuit Billie et joyeux Noël à mes chers lecteurs.

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